Passionné d'infos sur les animaux de compagnie ? Vous aimez les animaux ? Rejoignez-nous : S'inscrire
Et si classer les races de chiens comme plus ou moins « dangereuses » était une idée fausse ?
L’ANSES (Agence Nationale de Sécurité Sanitaire) a publié lundi 8 février un nouveau rapport d’enquête intitulé « Risque de morsure de chien ». Ce rapport examine en profondeur les données scientifiques et les pratiques existantes et signifie probablement la fin du paradigme actuel de gestion des risques de morsures de chiens. Il ressort de cette enquête que pour prévenir le risque de morsure, la catégorisation par race n’est pas pertinente.
L’enquête remet en question le concept des races « dangereuses » sur lequel se fondent les mesures de prévention appliquées en France. L’éducation du chien, ainsi que son mode de vie et le respect de son bien-être sont des facteurs qui influencent sa dangerosité et déterminent le risque de morsure bien plus que la race du chien.
Zoom sur quelques éléments marquants de cette synthèse des résultats de l’enquête publiée par l’ANSES.
En France, on enregistre près de 10 000 morsures de chiens par an, et tout laisse supposer que ce chiffre est en-dessous de la réalité. Les morsures de chien sont loin d’être anodines et ont des conséquences multiples pour la santé physique et psychologique des citoyens, ainsi que pour la société.
La loi actuelle stigmatise certaines races dites « dangereuses » dans l’objectif de réduire le nombre de morsures. Elles sont classées en fameuses catégories 1 et 2 qui regroupent les chiens d’attaque et les chiens de garde et de défense (les races American Staffordshire terrier, Mastiff, Tosa, Rottweiler, ainsi que les types associés à ces races). Les chiens de catégories 1 et 2 sont par défaut considérés comme dangereux et leur propriétaires doivent posséder une attestation d’aptitude et un permis de détention.
Cette catégorisation des races constitue un des pivots du dispositif actuel mis en place pour gérer les risques liés aux chiens en France. Cette approche et les mesures qui en découlent sont-elles efficaces ? Comment mieux appréhender la dangerosité des chiens ?
Pour répondre à ces questions et évaluer les politiques publiques, le ministère en charge de l’Agriculture a commandé à l’ANSES une expertise scientifique indépendante relative au risque de morsure de chien. Une des questions magistrales concernait la pertinence de la catégorisation par race.
A l’issue de l’enquête approfondie sur le sujet, les chercheurs de l’ANSES sont arrivés à une conclusion ferme : « La race ne permet pas à elle seule de prédire l’agressivité d’un chien ».
Selon le rapport, les chiens de catégories 1 et 2 dits « dangereux » ne sont pas plus dangereux que les autres. En effet, aucune étude scientifique ne met en évidence un risque plus élevé de morsure par les chiens de ces races. Les résultats de l’enquête menée dans le cadre de cette expertise soutiennent ce constat : 90,9 % des vétérinaires évaluateurs pensent en effet que « les chiens des catégories ciblées par la loi ne représentent pas de risque de dangerosité supérieur à celui des autres chiens ».
Les scientifiques soulignent également le fait que d’autres pays, tels que les États-Unis, les Pays-Bas ou l’Italie, ont abandonné des catégorisations similaires après avoir constaté leur inefficacité.
Alors, si pour prédire et prévenir le risque de morsure, la catégorisation par race n’est pas pertinente, quelle approche serait plus favorable ?
Le rapport insiste sur la nécessité d’évaluer chaque chien individuellement et de tenir compte de l’ensemble des facteurs de risque et non uniquement de sa race.
Les scientifiques ne connaissent pas encore selon quelles procédures exactes on peut évaluer les risques d’un comportement agressif chez un chien. En revanche, l’expertise menée souligne plusieurs facteurs qui sont à prendre en compte.
« Il n’y a pas de chiens méchants, seulement de mauvais maîtres ». Avez-vous déjà entendu cette phrase ? Finalement, les experts commencent à voir les choses sous cet angle-là, tout en nuançant la multitude des éléments qui rentrent en jeu.
Notamment, le rapport met en avant :
Mais les auteurs du rapport ne s’arrêtent pas là. Les chercheurs insistent également sur le rôle de nos compétences quant à la communication avec les chiens et la capacité de bien interpréter des signaux exprimés par l’animal.
Très souvent, les morsures surviennent suite à une mauvaise interprétation du comportement de l’animal ou encore d’une attitude inappropriée de la part de l’Homme (abus d’alcool, actions trop brusques de la part des enfants etc.).
Compte tenu des toutes ces considérations, l’ Agence Nationale de Sécurité Sanitaire invite à abandonner la prévention basée sur la catégorisation des chiens par race et à mettre en œuvre tout un ensemble de dispositifs et de leviers, en mettant un accent tout particulier sur l’évaluation comportementale individuelle et la sensibilisation des éleveurs et des propriétaires de chiens aux besoins des animaux et à leur éducation.
Le maintien de la réglementation en vigueur et des mesures associées n’est pas scientifiquement fondé, affirment les experts de l’ANSES. La dangerosité d’un chien devrait être évaluée individuellement. Ainsi, les chercheurs préconisent le renforcement du rôle des vétérinaires dans ce processus de l’évaluation comportementale qui doit être basée sur plusieurs facteurs.
Une prévention efficace nécessite de combiner plusieurs moyens, et c’est la sensibilisation de tous les acteurs qui doit jouer ici le rôle crucial. Il s’agit de sensibiliser le grand public (les enfants, les adultes, les propriétaires ou non, les éleveurs et autres professionnels…) :
Afin d’enrichir les données et obtenir une vision plus documentée, l’ANSES recommande la mise en place d’un observatoire des morsures. Ce dispositif national pourrait donner une base solide pour une meilleure gestion et communication. Ainsi, les missions de l’observatoire des morsures seraient :
Les experts de l’ANSES imaginent cet observatoire national des morsures comme un point de contact et d’information pour les professionnels, les élus et le grand public.
Si l’expertise de l’ANSES sera entendue et prise en compte par les autorités, il est fort probable que cette enquête aura marqué la fin, ou en tous cas « le début de la fin » de l’approche par catégorisation des races de chiens selon leur dangerosité.
Selon certains experts, ce changement de paradigme est inévitable si on veut fonder nos politiques publiques sur des raisonnements scientifiques et mieux gérer la présence des chiens dans notre société. C’est une cohabitation que l’on doit gérer collectivement et en utilisant tout un ensemble des outils et des pratiques disponibles.
L’avis et le rapport d’expertise « Risque de morsure de chien » est disponible sur le site web d’ANSES.
Commentaires