- L’école enfer du chiot
Voilà un article que j’avais écrit en novembre 2011, un mois après avoir adopté mon berger australien, Diez. Il me semble que cette expérience, bien que désastreuse, puisse être riche d’enseignements pour certaines personnes moins renseignées, mais bien intentionnées.
Cela fait maintenant quinze jours que j’ai fait ma première leçon dans un club canin avec Diez. Avant de l’emmener, j’avais été visiter pour vérifier que le club était conforme à mes attentes : respect du chien, personnel compétent, installations sécurisées… Le cadre était très sympa, les gens dispo pour répondre aux questions, et ce qui m’a le plus plu, on lâchait les chiens ensemble avant les cours (tout le monde était prié de venir 15 min avant pour défouler nos loups et les faire rencontrer les nouveaux). Parfait !
J’y suis donc retourné la semaine suivante.
Après un trajet plutôt long en bus avec Diez (il connaissait déjà, et j’avais des friandises pour transformer l’épreuve en quelque chose de positif) j’arrivais au club où quelques personnes étaient déjà présentes. Il joue avec chiens et chiots, s’amuse, fait l’andouille, cherche les vieux qui le remettent à sa place, bref, je suis ravie qu’il prenne contact avec des chiens très zen et équilibrés, et de se défouler avec des jeunes de son âge.Le cours commence alors. Dans un enclos, la monitrice/éducatrice (?) nous demande de lâcher les chiens… Sauf Diez et un petit berger allemand aussi jeune que lui. Selon elle, les autres sont trop vieux pour jouer avec et pourraient être brutaux. Mais… Ils jouaient déjà avant et tout se passait très bien ? Et il y a un adulte régulateur dans le tas, tout est donc réuni pour que la séance se passe bien, non ? Me considérant comme néophyte et elle, diplômée, j’accepte donc ses raisons. Les chiens jouent, Diez couine, s’excite, veut participer, cherche le Berger Allemand, mais on me rappelle à l’ordre, il faut le garder au pied. Je raccourcis donc la laisse, songeant que ça commence déjà mal. Je suis très loin d’être le maitre idéal, et j’ai énormément à apprendre. Pourtant Diez a deux mois et je sais qu’il est trop jeune pour être tenu assis au pied alors que d’autres jouent. Après cinq bonnes minutes, les rôles s’inversent et je peux lâcher Diez avec le Berger Allemand. Ils jouent, grognent, couinent, font des roulés boulés et j’ai le sourire jusqu’aux oreilles, ravie comme une gosse de voir mon bébé si content ! Mais soudain, la mono rentre dans mon champ de vision, s’interpose et écrase mon loup sur le dos en le maintenant par la gorge « T’es trop brutal espèce de monstre ! » Il glapit, se débat et pousse de hauts cris « Oh, j’te fais pas mal, calme toi ! » Elle finit par le relâcher et il repart la tête basse. Mentalement, je me dis que si elle tente de l’attraper une seconde fois, elle aura bien plus de mal. Encore une fois, je ne dis rien, même si mon estime envers elle chute de minutes en minutes.
Il est temps de rattacher nos loups. J’appelle le mien, et je le félicite chaudement de revenir presque aussitôt, au lieu de continuer à jouer. Les autres chiots arrivent, en laisse eux aussi. On parle un peu de la propriété des chiots. « Ah, la tienne a fait pipi pendant ton absence ? Oui c’est de la vengeance ça. » Je commence à me demander ce que je fiche ici. Mon regard effleure les autres qui ne bronchent pas. Pour eux, un chien qui urine par vengeance, c’est normal ? Bon, après tout nous sommes peu à savoir que c’est impossible.. D’accord, la chienne qu’elle observait a sept mois, elle est censée être propre… Censée. Les accidents arrivent à tout le monde. Mais c’est plus facile de critiquer quand on observe, alors je garde le silence.
Hop, le cours semble commencer réellement, il faut travailler les positions ! Comme vous commencez à vous en douter, la monitrice vient vers moi et me montre gentiment qu’il faut faire asseoir le chien en pressant son arrière-train et le coucher en tirant ses antérieurs. J’essaye d’intervenir. « Mais il… » « Non mais il sait s’ass… » « D’accord, mais vous savez j’ai commencé à lui apprendre à se couch.. » Elle s’éloigne. Je reste frustrée, voire même excédée. Nous somme huit ou neuf, n’a-t-elle pas une petite minute à m’accorder pour se renseigner, et ne pas me classer direct dans la case de « la nouvelle et son tout petit chien qui ne sait rien ? »
J’observe les autres, source inépuisable de riches enseignements. Des mètres droits comme des piquets qui hurlent les « Assis ! Iron Assis ! » et qui félicitent d’une voix atone d’un « ça c’est assis ça c’est assis. » Je soupire et me tourne vers le mien qui hésite entre mourir d’ennui en silence ou sauter sur ce qui est à sa portée pour me montrer que rester immobile le gave. Je lui demande quelque assis et couchés dans l’indifférence générale. La mono vient juste me voir pour me dire que je le récompense mal. Mes « ouiiii c’est bien ! C’est bien Diez ! » c’est cool ils sont enthousiastes, mais il faut répéter l’ordre. Okay, j’approuve, pas de problème. Mais pas un mot sur mon loup de deux mois et demi qui obéit parfaitement au contraire des autres de sept qui regardent les copains d’à côté faire de l’agility.Je ne sais pas quoi faire. Enchaîner les assis et couché, c’est bien, même avec des friandises, mais je devine que le mien veut jouer, courir, bouger ! Je fais quelques pas pour le distraire « Le laisse pas sentir par terre ! Raccourcis la laisse à fond, il apprendra à marcher au pied comme ça ! » Euh okay. Et sinon la pause, c’est quand ? J’en vois d’autres qui essayent de travailler la marche au pied, donnant de grands coups de laisse à leur chiot qui met le nez par terre ou dévient un peu. La petite Husky qui « faisait pipi par vengeance » est très dissipée. J’entends la prof qui marmonne un « merde j’ai oublié mes étrangleurs, la prochaine fois on lui en met » Elle attrapa la laisse, la secoue par le collier, l’embarque dans une marche forcée et la décolle du sol dès qu’elle s’éloigne de la jambe. Heureusement, mon « bébé qui ne sait rien faire » est trop jeune, elle ne tente pas l’expérience. Ouf pour lui…
Cela fait bien une demi-heure et les chiots ont toujours été tenus en laisse, soit courte, soit lâche pourvu qu’ils soient assis au pied. Arrive visiblement un moment ludique : on sort des tuyaux, des bâches et des caisses en carton, pour que les chiots gèrent leur stress envers l’inconnu. De loin, je suis ravie, Diez est un peu peureux au début, mais en lui donnant le temps d’analyser, d’observer et de renifler la chose, il comprend très vite que c’est inoffensif. Pourtant, on ne prend pas le temps de laisser les chiots mettre en place ce processus : encore une fois, tenus court, ils doivent passer sur ou à côté des objets sans leur laisser le temps d’approcher à leur rythme. Certains montrent clairement des signes d’apaisement et sont stressés ; on les ignore et lorsqu’ils ne fuient plus, on conclue qu’ils ont assimilé la chose alors on jete les caisses auprès d’eux et on secoue la bâche sous leur nez.
Je me sens oppressée, mal à l’aise, comme si j’étais ces chiens paniqués. J’ai peur de mal juger, d’être dans le faux, peut-être qu’il y a une part de bon là-dedans ? Bien sûr il y a plusieurs méthodes pour éduquer un chien, et si je me trompais ? Et si c’était une solution de mettre le chien face à ses peurs sans lui laisser le temps de fuir ? … Et si je jugeais mal ?
Je n’aime pas l’environnement. Vraiment. J’ai envie de partir. De voir Diez jouer et non stressé, collé à ma jambe, ou en train de tirer sur sa laisse pour aller pour les autres chiots.
La période ludique s’arrête enfin. J’attends toujours la récré.
Il n’y en aura pas.L’étape suivante est le rappel. Des mètres très gentils et pensant bien faire qui appellent leur chien d’une voix sans timbre, restant figés, debout, sans un geste. Certains arrivent au galop, ravis de les rejoindre, et d’autres vont voir les copains. La monitrice les chasse à coup de laisse. Quand vient mon tour, je fais l’andouille, accroupie, frappant dans mes mains, appelant mon chien qui vient, pas franchement motivé malgré mes pitreries. Je ne sais quoi en penser, mais il est venu vers moi alors cela me suffit. Son rappel est moins bon ici que lors de nos promenades, mais qui l’en blâmerait ?
C’est la fin du cours. Les chiots n’ont pas été lâches une seule fois et je me sens bien moins à l’aise qu’à mon arrivée. J’ai envie de partir vite et loin, mais je laisse mon loup jouer avec les chiens qui arrivent pour le cours d’après : il a un autre trajet en bus à endurer et il vient de subir une heure en laisse sans bouger, il serait idiot de ne pas lui permettre de courir un peu. Je m’éclipse, prends mon sac, salue tout le monde et siffle Diez peu après.
Je n’ai éduqué que deux chiens dans ma courte vie, et tout ce que je sais, je l’ai appris seule, dans les livres et sur les forums d’éducation. Je juge peut-être mal et je conçois le fait que mes pensées peuvent déplaire à certains qui appliquent certaines méthodes décrites ici comme « barbares » avec succès et sans briser leur chien.
Mais Diez avait deux mois et demi lors de ce cours, et il est resté en laisse pendant une longue heure, entouré de chiens qu’il n’avait pas le droit de toucher.Ce fut mon premier essai en club, mais mon dernier dans celui-ci.
Je poste ce message ici au risque de subir les foudres de certains, pour tous les adorables maîtres qui adorent leur chien et ne leur veulent que du bien mais n’y connaissent rien, et leur font subir des heures éprouvantes dans une pseudo école du chiot où on règle tout par la force.
J’avais posté cet article sur un forum d’éducation pour partager mon avis, n’étant pas réellement sûre de la justesse de mes propos à ce moment. Des années plus tard et énormément de lectures et de recherches m’ont clairement démontré que mes impressions s’étaient révélées justifiées lors de mon essai dans ce petit club. Il me parait important de partager cette expérience car en général, le premier réflexe du propriétaire novice voulant éduquer son chiot est de l'inscrire dans un club.
Un club qui met en place une « école du chiot » n’est pas forcément adapté pour nos boules de poils, surtout si l’on y embarque des chiots de deux mois qu’on imagine « à risques » comme le peuvent être le berger allemand ou les molosses, qu’on classe dans la catégorie des chiens qui deviendront dangereux sans « dressage » précoce.
Certes, l’éducation précoce et la sociabilisation entrent en ligne de compte,mais ce qui importe entre deux et six mois n’est pas la quantité des expériences rencontrées, mais leur qualité. On oublie bien trop souvent que la pile électrique au bout de la laisse est née moins de huit semaines auparavant pour les plus jeunes, et les éducateurs devraient le souligner auprès de ceux qui exigent déjà des résultats. C’est le rôle des encadrants que de guider le propriétaire sur le bon chemin de l’éducation, et l’école du chiot ne devrait être qu’une garderie ludique où il n’est pas question de positions à apprendre (ou du moins, de façon très atténuée) mais d’expériences sonores, visuelles et olfactives entrecoupées de parties de jeu avec les autres chiots et quelques rappels par les maîtres dans la joie et sans prise de tête.
Les chiots sont à l’école primaire, il est grand temps d’arrêter de vouloir en faire des adultes responsables avant l’heure.
- Qu'en pensez-vous ?
- Avez-vous déjà vécu de telles expériences ?
- Avez-vous déjà regretté de ne pas avoir réagi, en club ou ailleurs, lorsqu'une personne vous affirmant tout connaître, à porté atteinte à votre chien, physiquement ou moralement ?
Si vous désapprouvez totalement ce témoignage, je vous invite à argumenter votre point de vue ! J'ai l'esprit très ouvert et j'adore débattre :)