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Dans le domaine de la détection et du sauvetage, une espèce inattendue se distingue par son flair exceptionnel et sa capacité d'apprentissage : les rats. Grâce à l'association APOPO, les "Hero Rats" ont révolutionné la lutte contre les mines antipersonnel et le diagnostic de la tuberculose. Leur efficacité a ouvert la voie à d'autres applications surprenantes, mettant en lumière le potentiel sous-estimé de ces petits mammifères.
L'ONG APOPO, fondée en 1997, a développé une méthode novatrice en utilisant des rats géants africains (Cricetomys ansorgei) pour détecter les mines antipersonnel et diagnostiquer la tuberculose. Ces rongeurs, grâce à leur odorat surdéveloppé, sont capables d'identifier la présence d'explosifs enterrés avec une rapidité et une précision remarquables, bien supérieures aux méthodes traditionnelles.
En matière de santé publique, ces rats jouent un rôle essentiel dans le diagnostic précoce de la tuberculose, une maladie qui reste l'une des principales causes de décès en Afrique, en raison de la prévalence du VIH et d'autres facteurs comme la sous-alimentation, qui affaiblissent le système immunitaire. En Tanzanie et en Éthiopie, plus de 50 000 personnes ont succombé à cette infection en 2023. La progression de la maladie reste une préoccupation majeure, car la croissance démographique surpasse les progrès médicaux, et la stigmatisation liée à la tuberculose, souvent associée au VIH, dissuade de nombreux patients de se faire dépister, notamment les hommes.
Pour remédier aux défaillances des tests traditionnels et réduire le taux de faux négatifs, APOPO a mis en place un système de collecte d'échantillons d'expectoration directement dans les cliniques locales. Chaque jour, des agents d'APOPO parcourent les centres de santé à moto pour récupérer les échantillons testés négatifs par les méthodes conventionnelles. Une fois ramenés aux laboratoires de l'organisation, les rats sont mis à contribution : ils reniflent les échantillons et signalent ceux qui présentent des traces de tuberculose non détectées par les tests standards. En cas de détection, des analyses complémentaires plus précises sont effectuées.
Les rats se sont révélés capables d'identifier des cas de tuberculose latente, avant même que les tests classiques ne parviennent à les détecter. Cela pourrait permettre une intervention médicale plus précoce, réduisant ainsi la transmission de la maladie.
Malgré ces résultats prometteurs, APOPO reste la seule organisation à utiliser cette approche, freinée par le manque de financements et les préjugés liés aux rongeurs. L'association cherche à étendre son programme à d'autres pays d'Afrique et d'Asie, mais doit surmonter des réticences culturelles et institutionnelles.
Le rat détecteur de tuberculose Adriano renifle un trou au-dessus d’un échantillon pour identifier la présence de la maladie. ©APOPO
Le succès des Hero Rats repose sur un entraînement long et minutieux. Pour détecter la tuberculose, les rats doivent apprendre à identifier les six composés organiques volatils produits par la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Toutefois, leur odorat étant extrêmement sensible, ils perçoivent également l’odeur des individus, de leur alimentation ou encore de leur environnement. L'entraînement consiste donc à leur apprendre à ignorer ces distractions pour se concentrer uniquement sur la présence de la bactérie.
Les rats suivent un programme de formation d’environ un an basé sur le "clicker training", une méthode de conditionnement par renforcement positif. Ils associent le son d’un cliqueur à une récompense alimentaire, généralement un smoothie à base de banane et d’avocat. Lorsqu'ils identifient correctement un échantillon positif, ils reçoivent leur récompense.
Pour garantir leur fiabilité, les rats doivent réussir un test final : analyser 500 échantillons et ne manquer aucun cas positif. Une fois cette étape franchie, ils obtiennent officiellement leur statut de détecteurs de tuberculose et travaillent cinq jours par semaine dans des chambres d’analyse spécialisées.
Le même principe est appliqué pour la détection des mines antipersonnel. Les rats sont formés à reconnaître l’odeur des explosifs comme le TNT et à signaler leur présence en grattant le sol. Leur légèreté constitue un atout majeur, car elle leur permet de fouiller des zones minées sans risque de déclenchement. En complément des détecteurs de métaux, ils permettent de déminer plus rapidement et efficacement.
Outre le travail d'APOPO, les rats sont aujourd'hui utilisés dans d'autres domaines de détection. Certains projets explorent leur capacité à repérer des maladies telles que le cancer, à identifier des substances illicites ou encore à localiser des personnes ensevelies sous les décombres après une catastrophe.
Un programme expérimental a ainsi été mis en place pour entraîner des "Rescue Rats" à intervenir dans desmissions de recherche et de sauvetage. Équipés de petits capteurs et de caméras miniatures, ces rongeurs peuvent s'infiltrer dans des espaces trop exigus pour les secouristes, augmentant ainsi les chances de retrouver des survivants.
D'autres initiatives explorent l'utilisation des rats pour lutter contre le commerce illégal d'espèces sauvages. Des recherches menées par les scientifiques d’APOPO ont prouvé que ces rongeurs sont capables de détecter des échantillons d’ivoire d’éléphant, de corne de rhinocéros, d’écailles de pangolin et de bois précieux africains, même lorsqu’ils sont mélangés à d’autres produits.
Bien que les forces de l’ordre disposent déjà de chiens détecteurs et de scanners sophistiqués pour lutter contre ce trafic de plusieurs milliards de dollars, les rats présentent plusieurs avantages.
Selon Isabelle Szott, chercheuse principale chez APOPO, ces rongeurs coûtent environ 8 000 dollars à entraîner, contre jusqu’à 30 000 dollars pour un chien, tandis que les scanners peuvent coûter entre 30 000 et 1,2 million de dollars. De plus, leur légèreté leur permet d’être soulevés et placés dans des zones inaccessibles aux chiens, comme les systèmes de ventilation des conteneurs maritimes. Enfin, contrairement aux chiens, qui doivent travailler avec un seul maître, les rats peuvent être manipulés par plusieurs personnes, ce qui les rend plus flexibles.
Les essais menés par APOPO au port de Dar es Salaam, en Tanzanie, ont donné des résultats concluants, et l’organisation collabore avec l’Autorité tanzanienne de gestion de la faune pour envisager une utilisation plus large. L’intérêt pour cette méthode a également été manifesté par des ports à Singapour et en France, selon Kate Webb, professeure adjointe en psychiatrie et en sciences du comportement à l’Université Duke.
Alors que les technologies de détection continuent de progresser, l'utilisation des rats dans des missions humanitaires et scientifiques pourrait encore s'étendre. APOPO continue d'améliorer ses programmes pour rendre ces solutions toujours plus efficaces et accessibles.
Les "Hero Rats" nous rappellent que l'innovation ne se limite pas aux avancées technologiques : parfois, la solution la plus performante repose sur des capacités naturelles que nous apprenons à exploiter intelligemment. Ces petits animaux, souvent mal perçus, se révèlent être de véritables alliés au service de l'humanité.
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